Des mathématiques à l’école maternelle ? Pourquoi faire ?Qu’est-ce qu’enseigner aujourd’hui les mathématiques à l’école maternelle ? De quelles mathématiques s’agit-il ? S’agit-il de mathématiques ? Les premières notions de mathématiques sont-elles si naturelles que cela ? Prenons l’exemple des premiers nombres : une imprégnation en permet-elle la construction ? Les nombres sont tellement culturellement connus qu’il semble que leur construction paraisse aller de soi et que leur enseignement puisse se réduire à leur présentation en vue d’une familiarisation, d’une imprégnation. C’est ignorer que leur construction se fonde sur une genèse, celle des grandeurs depuis la toute petite enfance, puis passe par une appropriation progressive d’ensemble de signes, de règles, de modes de raisonnement, à un âge ou la conservation des quantités n’est pas encore stabilisée[1]. Cela suppose donc, pour le professeur, d’acquérir une posture permettant de mettre en avant, non pas l’élève ou le savoir, mais « la situation comme système d’interactions de l’élève avec un milieu censé lui permettre de faire évoluer ses connaissances »[2]. Il s’agit pour ce professeur de proposer des situations où les premiers nombres et leur désignation constitueront la solution optimale au problème posé aux élèves. On parle alors de situation d’apprentissage par adaptation. Dans ces situations, dès que possible, les écrits sont présents et font partie de l’activité elle-même. En effet, la pratique des mathématiques est liée à la construction d’un langage ayant sa propre consistance[3], qui permet, le cas échéant, d’aider à contrôler une situation (contre-rôle : c'est-à-dire élaborer un ensemble de signes qui assure la tenue, en double, de la situation). Une entrée dans l’écrit est donc partie intégrante de l’activité mathématique et ceci dès la maternelle. Partant de là, il faut remettre en cause l’idée souvent répandue que les mathématiques se construisent par simple manipulation d’objets (nous reviendrons sur ce point) avec lesquels les élèves exécutent des tâches correspondant à un savoir pas toujours identifié, et qui la plupart du temps n’en permettent pas la construction. Cela signifie qu’il faut repenser la place et le rôle du matériel dans l’activité cognitive de l’élève : créer des dispositifs où l'élève va anticiper les effets de son action sur un environnement matériel, et apprendre, à la vue de résultats différents de ceux attendus, à modifier ses actions, et cela dans un climat de confiance et de bienveillance, afin qu’il ose faire plusieurs tentatives, des essais répétés, mêmes infructueux. Le but est l’acquisition de savoirs bien explicités. En cela, on peut donc parler de « mathématiques » à l’école maternelle. [1] Piaget J. & Szmeinska A. (1941- et éd.67)
"La genèse du nombre chez
l'enfant". Neufchâtel. Paris. Delachaux et Niestlé. [2] Brousseau G. (1997). Théorie des situations
didactiques. Grenoble : La Pensée Sauvage. [3] Rebière M.
(2012) Cours 4 de la 16° école d’été de didactique des mathématiques :
« S’intéresser au langage dans l’enseignement des mathématiques, pour quoi
faire ? » |